Entre tiers de confiance, juge impartial et acteur de l’entreprise, le rôle de l’acteur RH est souvent perçu comme ambigu, voire paradoxal. À la croisée des chemins entre les attentes du manager, les besoins du collaborateur et les impératifs de l’entreprise, le professionnel RH se trouve confronté à des tensions multiples.
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Comment naviguer dans cette complexité pour jouer pleinement son rôle ? Comment adopter une posture éthique face à cette ambivalence ? Cet article propose d’éclairer ce questionnement à travers les multiples casquettes de l’acteur RH, ses enjeux et ses limites.
L’acteur RH : une ressource au service des acteurs internes mais dans un cadre contraint
Le professionnel RH peut être envisagé comme une ressource majeure pour le manager et le collaborateur. Il se présente comme un interlocuteur capable d’accompagner, conseiller, voire apaiser certaines tensions dans la relation hiérarchique. Cependant, cette fonction est ambivalente : est-il un tiers impartial, un juge des situations conflictuelles ou un simple fournisseur de services RH ? En pratique, il occupe souvent simultanément ces rôles, ce qui peut complexifier sa posture.
Le RH, tiers de confiance et médiateur sans toujours avoir les compétences appropriées
Dans la relation manager/collaborateur, l’acteur RH est parfois investi comme tiers de confiance ou médiateur. On attend de lui qu’il écoute, qu’il trouve des solutions équilibrées, qu’il respecte la confidentialité des informations partagées.
Mais cette posture nécessite des compétences spécifiques : médiation, capacité à garder une neutralité malgré les impératifs d’entreprise, gestion émotionnelle, etc. Or, beaucoup de professionnels RH manquent de ces compétences et doivent apprendre sur le terrain, ce qui peut parfois les exposer à des risques d’erreur de jugement. Par exemple, dans une situation de Risques Psychosociaux (RPS) causée par un stress trop important généré par le management, le RH pourra être sollicité pour écouter le collaborateur et alerter la hiérarchie. Mais s’il n’a pas les compétences suffisantes, il risque soit de minimiser la situation, soit de s’aliéner l’un des protagonistes.
La symétrie d’information, un facteur clef, et le devoir de confidentialité
Le rôle RH implique aussi d’être dépositaire d’informations sensibles : données personnelles, conflits internes, appréciations sur les performances. Le RH est ainsi au centre d’une asymétrie d’information qu’il doit gérer avec prudence.
Il doit garantir la confidentialité, ce qui peut parfois sembler en contradiction avec l’exigence de transparence envers les managers. Quand un collaborateur lui confie des difficultés, comment assurer à la fois une confidentialité nécessaire et informer le manager quand la situation le justifie ?
Cette double exigence est source de tensions. Par exemple, dans une situation de bore-out (ennui profond au travail), le collaborateur peut se livrer au RH. Celui-ci devra évaluer si et quand alerter le manager, en restant dans un cadre éthique qui protège le salarié tout en respectant les besoins opérationnels.
Le RH, fournisseur du manager et du collaborateur : un rôle délicat
Le professionnel RH est aussi une sorte de « fournisseur » de solutions : formations, mobilités, dispositifs d’aide, accompagnement carrière. Mais il doit composer avec une double demande parfois contradictoire : répondre positivement aux attentes du manager (qui souhaite un collaborateur performant et engagé) et défendre les intérêts du salarié (qualité de vie au travail, reconnaissance, équité).
Cette posture produit une ambivalence profonde : il n’est ni l’avocat du salarié ni simplement un exécutant des directives managériales, mais un acteur intermédiaire dont l’indépendance apparente peut être limitée.
Une relation interpersonnelle qui peut créer un biais
Un point souvent méconnu est la dimension relationnelle qui s’instaure parfois entre le RH et l’un des acteurs (manager ou collaborateur). Cette proximité peut faciliter la communication mais aussi brouiller les frontières.
Le professionnel RH peut se retrouver « pris » entre fidélité à une personne et devoir d’entreprise. Par exemple, si un RH est très proche d’un manager, il pourra être tenté de minimiser les doléances des collaborateurs. Inversement, une relation privilégiée avec un collaborateur peut compromettre son impartialité.
Le RH, troisième empêché : une latitude décisionnelle souvent limitée
Un autre aspect fondamental est l’insuffisance de latitude décisionnelle du professionnel RH. Souvent, il ne décide pas mais applique et conseille, en fonction des arbitrages qui viennent d’en haut.
Dans ce rôle de « tiers empêché », il doit assumer les orientations qu’il n’a pas choisies, notamment lors d’arbitrages difficiles. Cela peut générer une frustration et affecter sa crédibilité auprès des managers et collaborateurs.
Comment concilier ces ambivalences et adopter une posture éthique ?
Pour réussir à naviguer dans cette complexité, plusieurs pistes peuvent être privilégiées :
- Clarifier son rôle et ses limites auprès des différentes parties prenantes. Il est essentiel que le RH communique avec transparence sur ce qu’il peut ou ne peut pas faire, afin d’éviter les attentes irréalistes.
- Développer ses compétences spécifiques en médiation, en gestion des conflits et en éthique, pour pouvoir intervenir au mieux dans des situations délicates (RPS, bore-out, conflits d’appréciation des performances…).
- Préserver une posture de neutralité et de confidentialité, notamment en instaurant des règles claires de confidentialité et en clarifiant à quel moment les informations peuvent être partagées.
- S’appuyer sur une déontologie forte, qui rappelle la double loyauté : envers le salarié et envers l’entreprise, et le respect des droits de chacun.
- Travailler en réseau, en s’appuyant sur des partenaires internes (juridique, prévention, management) ou externes (médiateurs, psychologues du travail) pour éviter d’être seul face à la complexité.
Illustration par une situation concrète
Prenons le cas d’un désaccord sur l’appréciation des performances. Le manager juge le collaborateur insuffisant alors que celui-ci manifeste un mal-être évident qui pourrait masquer un problème plus profond.
Le RH, tiers appelé, doit écouter le collaborateur sans trahir la relation de confiance, tout en recueillant le point de vue du manager. Il doit s’assurer que l’évaluation est objective, relayer les éléments qui pourraient signaler un RPS, proposer des pistes adaptées (formation, accompagnement, réorganisation du travail).
Il doit également expliquer clairement au collaborateur que certaines informations seront remontées afin d’ajuster la prise en charge, en respectant la confidentialité des éléments sensibles. Cette posture nécessite finesse, intégrité et courage.
Exercer la fonction RH dans la relation manager/collaborateur, c’est évoluer quotidiennement dans un espace ambivalent et exigeant. La richesse de ce rôle tient à cette complexité, mais aussi à la capacité du professionnel RH à construire un équilibre éthique, fondé sur la confiance, la compétence et la transparence. C’est un enjeu clé pour la qualité de la relation au travail et la performance durable des organisations.
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