La période budgétaire revient pour beaucoup comme un marronnier, y compris pour les DRH !
Mais que met-on dans un budget RH et que raconte-t-il de l’entreprise ?
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Pourquoi un budget RH ne ressemble à aucun autre
Dans un contexte où les Ressources Humaines sont à la fois un des principaux postes budgétaires de l’entreprise et un investissement dans la création de valeur, le budget RH est loin d’être une simple addition de coûts administratifs. Il traduit les choix politiques et éthiques de l’entreprise en matière de gestion humaine et reflète la diversité des missions de la fonction RH. Le budget RH peut, selon les modèles économiques et les activités de l’entreprise, être également la matérialisation de sa responsabilité sociale. La gestion de ce budget devient un exercice complexe de jonglage entre les impératifs financiers, les priorités stratégiques, et les besoins humains. Pour le DRH, c’est un exercice d’équilibre entre les attentes de la direction, les aspirations des salariés et les nécessités propres à la fonction RH. Mais alors de quoi parle-t-on ?
Les composantes clés d’un budget RH
- Gestion de la Paie et de l’Administration du Personnel
Que la paie soit internalisée ou externalisée, ce poste inclut la génération des bulletins de paie, les entrées et sorties, les soldes de tout compte et la gestion des déclarations sociales. Les options de gestion sont variées (externalisation totale ou partielle, coût par bulletin de salaire, SIRH intégré) et nécessitent du DRH une analyse détaillée des avantages et inconvénients de chaque solution, en fonction des choix stratégiques de l’entreprise. Un poste budgétaire qui nécessite par ailleurs un investissement continu en veille réglementaire pour garantir la conformité stricte aux obligations légales dans une démarche de saine gestion et de prévention des risques de contentieux, de contrôle et de redressement.
- Recrutement
Le budget de recrutement couvre à la fois la publication d’annonces sur les bons canaux, les campagnes de sourcing, les partenariats avec des cabinets de recrutement ou agences d’intérim, les éventuels investissements dans les relations écoles, ainsi que l’ensemble des frais associés aux processus de sélection (outils d’évaluation, mise en situation, etc.). Selon la maturité de l’entreprise et son volume de recrutement, ce budget peut être plus ou moins porté par la fonction RH ou directement par les entités opérationnelles. La collecte de données des années précédentes permet d’ajuster ce budget avec précision, mesurant le ROI des différents investissements pour ne pas se laisser influencer par les tendances du moment. Il est fortement dimensionné par les orientations business et les objectifs qui en découlent en termes de croissance d’effectifs ou d’acquisition de compétences critiques. Sans oublier la prise en compte des projections de turn-over et sa traduction en besoins de remplacement.
- Avantages Sociaux et Bien-Être
A mi-chemin entre Compensation & Benefits et QVCT, le budget des avantages sociaux inclut des postes tels que les contrats de santé et de prévoyance, assurant une couverture aux collaborateurs. Sur ces postes, le socle imposé est souvent défini par la branche, et impose une analyse régulière des comptes de résultats pour challenger et valider la pertinence de garanties selon leur fréquence réelle d’utilisation au vu de leur poids dans les cotisations. Les programmes de bien-être au travail, intégrant des mesures de prévention des risques psychosociaux, de sécurité, et de qualité de vie, représentent une part importante du budget et témoignent de la volonté de l’entreprise d’accompagner la longévité au travail. Le DRH doit démontrer le ROI de ces investissements pour justifier cette enveloppe, sans oublier qu’il s’agit pour partie d’outils de prévention secondaire qui ne font que compenser les impacts du travail plutôt que de s’attaquer aux causes racine dans une démarche de prévention primaire.
- Relations Sociales
Ce budget compte a minima les versements obligatoires au titre du fonctionnement du CSE et des activités sociales et culturelles. Il inclut les éventuels frais de mise en place ou de renouvellement de la représentation du personnel, les frais d’expertise associés aux consultations annuelles, et les frais de déplacement des IRP si l’entreprise est géographiquement dispersée. Trop souvent perçu comme une « perte sèche », il représente pourtant un volet essentiel de la politique sociale, et démontre la diversité des éléments à prendre en compte pour le DRH lors de l’élaboration de son budget. Dans une logique encore plus volontariste, il peut intégrer des actions concourant au développement de la culture économique des représentants du personnel permettant de nourrir la qualité du dialogue social.
- Développement des compétences
Ce budget permet de financer l’ensemble des actions de développement des compétences des salariés, à commencer par la formation. Mais également d’autres dispositifs comme : le mentorat, le codéveloppement, les accompagnements managériaux ou encore le coaching. Dans certains cas, il prend même en compte la masse salariale des mentors et managers impliqués, soulignant l’investissement de l’entreprise dans le potentiel humain à long terme.
- Masse Salariale de la fonction RH
Ce poste comprend la rémunération des équipes RH (entre profils généralistes de type RRH, et profils spécialisés en paie, recrutement, formation, … selon la taille de l’entreprise), reflétant le coût direct des ressources humaines nécessaires à la gestion des collaborateurs. En effectif, les ratios de marché oscillent entre 1% et 3% de l’effectif géré, avec une très forte disparité entre secteurs d’activité. C’est un poste souvent discuté autour d’un double arbitrage make or buy et risque à ne pas faire, qui assure pourtant à l’entreprise la gestion interne adéquate des ressources humaines, alignée sur ses besoins spécifiques.
- Formation des Équipes RH
Investir dans la montée en compétences des équipes RH est essentiel, surtout dans un contexte de transformation rapide (avec l’IA, les évolutions légales, etc.). C’est une ligne budgétaire que le DRH doit défendre pour maintenir l’employabilité des équipes RH et garantir que la fonction suive les évolutions de l’environnement et de la réglementation. Une position rarement facile à tenir quand les budgets globaux de développement de compétences sont contraints et que la tentation consiste à se servir en dernier pour ne pas être considéré comme juge et partie.
Piloter un Budget RH, ou jongler avec des coûts variés et interdépendants
L’une des particularités du budget RH est qu’il ne se limite pas à une catégorie de dépenses homogène. Contrairement aux budgets plus prévisibles de la DAF ou de la DSI, le budget RH est constitué de postes diversifiés et souvent interdépendants.
La DAF, par exemple, gère des dépenses plus stables et généralement contrôlées, telles que les coûts de trésorerie et de comptabilité, planifiés avec des attentes de rentabilité mesurables. En comparaison, la fonction RH doit jongler avec des budgets fluctuants, comme ceux du recrutement ou des relations sociales, qui dépendent de cycles d’activité et de décisions stratégiques de l’entreprise. DAF et DRH ont néanmoins en commun une coresponsabilité dans du budget global de la masse salariale et des frais de personnel. A la fois au niveau de l’élaboration budgétaire (entre prévisions de départs, évaluation des indemnités associées, planification des recrutements, provisionnement des contentieux, estimation des impacts sociaux et fiscaux des évolutions réglementaires, scenarii de distribution d’épargne salariale, modélisation des avantages en nature, …) et dans le pilotage de sa mise en œuvre, particulièrement en matière de rémunération directe, fixe et variable.
De même, là où le budget des DSI investit en infrastructures technologiques et mesure leur ROI en termes de productivité, le budget RH investit en développement RH ou en QVCT. Des postes à impact qualitatif et long terme, pour lesquelles la recherche de retour sur investissement est quasiment indémontrable en toute objectivité. C’est davantage sur l’évaluation du risque à ne pas faire et la vision d’un changement nécessaire s’inscrivant dans la feuille de route de l’entreprise que se prend la décision d’investir.
A ceci près qu’ils peuvent également avoir en commun une responsabilité budgétaire sur l’outillage RH. Celui à disposition des collaborateurs et des managers dans une logique de digitalisation et de gestion transactionnelle des interactions entreprise/salarié, mais aussi celui propre à la fonction RH : outils de gestion de la performance, de traitement de la paie, de gestion administrative, de suivi du temps, … Si ces investissements se matérialisent par des coûts de licences annuels qui seront le plus souvent portés par la fonction RH, ils doivent être négociés avec minutie et en concertation avec les équipes DSI et DAF, assurant ainsi que la technologie réponde aux besoins évolutifs de l’organisation et s’inscrivent dans un schéma directeur cohérent, notamment en termes de cybersécurité.
L’ensemble de ces dimensions peut ainsi se retrouver dans une notion de « coût complet de possession d’un salarié ». Quand elle est sous-entendue elle est souvent réduite au salaire chargé majoré d’un coefficient de gestion. Pourtant, ce calcul simpliste néglige l’ensemble des politiques RH dédiées à chaque collaborateur : développement des compétences, politique salariale, avantages sociaux, santé au travail, et initiatives de fidélisation. Ce coût complet, bien plus vaste que les lignes comptables visibles, est ainsi le reflet réel de l’investissement global que fait l’entreprise dans ses ressources humaines. Une approche qui se retrouve d’ailleurs généralement dans les démarches de mise en œuvre de BSI (Bilan Social Individuel) visant à matérialiser cet investissement dans une stratégie de Marque Employeur.
Les Enjeux d’une prévision précise et Dynamique du budget RH
Le budget RH est soumis à des fluctuations constantes (embauches, turn-over, absentéisme, ajustements de salaires, etc), nécessitant une prévision flexible et un suivi continu.
Le DRH doit faire preuve d’une vision à la fois qualitative et quantitative pour anticiper les impacts potentiels sur chaque poste budgétaire, et ajuster le budget en fonction des variations d’activité. Pour cela, trois leviers sont essentiels :
- Suivi en temps réel : Ajuster les dépenses selon les cycles et priorités de l’entreprise, ce qui requiert une communication fluide avec la Direction Générale et la DAF pour une gestion partagée.
- Établissement de scénarii : Anticiper l’impact de nouvelles embauches, des départs, et des variations salariales pour des prévisions précises. Ce qui rappelle la compétence analytique et mathématique de la fonction.
- Identification des postes d’ajustement : Trouver des marges de manœuvre sans affecter la QVCT ou en acceptant la liste des renoncements.
A minima la pratique du forecast trimestriel s’impose aux DRH dès lors que l’activité de l’entreprise joue sur le volume d’entrées / sorties ou sur des besoins d’investissements significatifs. Il est donc important de faire cette pédagogie le plus en amont possible et que la fonction RH soit associée à la construction budgétaire des entités et projets opérationnels pour y apporter sa contribution propre dans l’évaluation des impacts humains.
Le Budget RH, miroir de la politique sociale de l’Entreprise
Le budget RH est donc bien plus qu’une addition de coûts. Il est le reflet de la politique sociale de l’entreprise et, selon les choix stratégiques et les modèles économiques, il devient aussi le miroir de la Responsabilité Sociale de l’Organisation. D’aucun voudrait là y trouver un nouveau mot pour parler de RSE ? C’est parce que le S de cette RSE est bien trop souvent cantonné à du social washing, aux obligations CSRD ou aux seules dimensions d’inclusion et de diversité que nous proposons cette distinction.
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