Conduire un projet RH : une compétence incontournable

La conduite de projets est désormais un incontournable dans l’activité et donc les compétences attendues de la fonction RH. Si elle est très proche de toute gestion de projet classique, elle n’en a pas moins quelques spécificités.

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Conduire un projet RH : une compétence incontournable

Quelles typologies de projets RH

Bien que la fonction RH soit (trop) souvent considérée comme une fonction gestionnaire ou d’intendance, elle est en fait partie prenante de la quasi-totalité des transformations que connaît l’entreprise. Qu’elles concernent le business, l’organisation, les outils, les modes de fonctionnement, toutes ont un impact plus ou moins direct sur l’humain.

Qu’il s’agisse d’accompagner la création d’une nouvelle activité, de piloter la suppression d’emplois, de dématérialiser les bulletins de paie, de mettre en place l’index d’égalité professionnelle ou d’organiser la semaine de quatre jours, les sujets sont variés, de nature et d’ampleur différentes, mais ont bien en commun de se prêter à un traitement en mode projet.

Un double point de départ : un évènement déclencheur et un objectif de transformation. L’évènement déclencheur amène à la prise de conscience ou au constat d’une situation existante insatisfaisante au point de ne pouvoir perdurer. L’objectif de transformation dessine le futur souhaitable qui mettra un terme à la situation insatisfaisante. La conduite de projet pourrait donc se résumer au mode d’organisation du travail permettant de passer de l’un à l’autre.

On peut distinguer 5 grandes familles de projets RH :

  1. Les projets d’accompagnement du business comme par exemple le lancement ou l’arrêt de produits, la forte baisse du carnet de commandes, l’investissement sur un nouveau marché ou territoire,  : le volet RH, qui peut alors constituer un sous projet, portera essentiellement sur des problématiques d’emplois et compétences, de gestion de carrière, de management, de dialogue social, voire de traitement des départs individuels et collectifs.
  2. Les projets de changements organisationnels, comme par exemple une adaptation de l’organisation aux attentes marché et clients, la création ou l’intégration d’une filiale, l’acquisition ou la cession d’une entité : le volet RH, qui là aussi peut constituer un sous projet, portera d’abord sur des questions de conditions d’emploi ou d’harmonisation de statuts, mais également d’organisation et de contenu du travail, d’emplois et compétences, de dialogue social et de management ; à noter que les projets de changements organisationnels peuvent eux-mêmes être des sous-projets de projets d’accompagnement du business.
  3. Les projets de mise en conformité, comme par exemple la mise en place du droit à la déconnexion, l’intégration des questions environnementales dans la BDESE, la production de l’index de l’égalité professionnelle, l’alignement de pratiques sur une norme qualité, ou plus largement tous sujets portés par une évolution réglementaire : ces projets comportent quasi systématiquement un volet de conformité juridique ou normative et souvent de dialogue social, mais ils portent aussi sur une ou plusieurs dimensions de la politique RH.
  4. Les projets d’enrichissement de l’offre RH, comme par exemple la conception d’un parcours d’onboarding, l’élaboration d’un référentiel d’emplois et compétences, le déploiement d’une offre de codéveloppement, la mise en place d’un programme de cooptation, la refonte de l’entretien annuel et professionnel, la création d’un baromètre social : si ces projets sont portés par la fonction RH, ils ne peuvent se faire sans y associer les bénéficiaires, c’est-à-dire les collaborateurs et leurs managers
  5. Les projets de performance de la fonction RH, comme par exemple l’intégration de tout ou partie d’un SIRH, la digitalisation ou l’automatisation d’un processus, l’organisation d’un centre de services partagés, l’externalisation du sourcing, la spécialisation des postes par expertises : des projets qui peuvent paraître transparents voire sans valeur ajoutée directe pour les opérationnels et doivent souvent être menés sans incidence sur la qualité de service délivrée.

Le lancement d’un projet RH peut donc concerner toutes les expertises du métier : l’administration du personnel et la paie, le recrutement, la rémunération, le développement RH, la formation, les relations sociales, l’accompagnement du management, la santé sécurité et QVCT, le système d’information RH. Il serait vain de tenter de faire une liste exhaustive des sujets pouvant nécessiter l’organisation et la conduite d’un projet. La clef revient donc à se poser la question de la nature de l’activité :

Run
Organisation classique du travail


VS
Build
Organisation du travail en mode projet
Activités opérationnelles quotidiennes,
centrées sur l’exécution et l’amélioration continue des services existants
Phase de conception et de développement,
axée sur la création de nouvelles solutions, la revisite ou la refonte

Les questions incontournables de la phase amont du projet

Quelle que soit le projet RH, son lancement comporte quelques prérequis pour prévenir les risques et mauvaises surprises. Sans avoir préalablement répondu à ces 5 questions, la conduite du projet relèvera vraisemblablement du funambulisme sans longe de sécurité ni balancier à travers le Grand Canyon.

1ère question : quel calibrage QCD ?

L’incontournable trio Qualité Coût Délai. Il est à peu près illusoire de penser pouvoir satisfaire les trois dans les mêmes proportions. On considère habituellement qu’il s’agit d’une équation à somme nulle, où l’un des trois critères est sacrifié au bénéfice des deux autres :

  • Pour avoir de la Qualité Rapidement, le Coût sera supérieur
  • Pour avoir de la Qualité à un Prix abordable, le Process sera plus long
  • Pour avoir Rapidement quelque chose de peu Onéreux, il faudra accepter quelques Défauts

Cette question est fondamentale, parce qu’elle embarque deux enjeux clefs : d’une part le niveau de satisfaction/insatisfaction a posteriori du commanditaire et des bénéficiaires de la transformation portée par le projet ; d’autre part le pilotage et la maîtrise des risques tout au long du projet.

Quelques illustrations :

  • La création d’un parcours d’intégration ambitieux a pour conséquence du temps improductif non seulement des nouveaux embauchés mais aussi de leurs accompagnants
  • Un projet de changement d’organisation qui doit être menée dans un délai d’un mois se heurte au délai d’information-consultation du CSE
  • La mise en place d’une culture du feedback peut difficilement se décréter et nécessite un temps d’expérimentation et d’appropriation des bonnes pratiques

Tout est question de trouver le juste équilibre entre bénéfices et risques, en matérialisant par un schéma les trois dimensions QCD du projet et en utilisant ce schéma comme premier support de communication et d’engagement vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes.

2ème question : qui sont les parties prenantes du projet ?

C’est donc naturellement la deuxième question à se poser, qui est impacté par le projet ? Sans grande surprise, on retrouvera classiquement les acteurs embarqués dans toute question RH : la direction, l’ensemble de la chaîne managériale, les collaborateurs, les représentants du personnel, les équipes RH elles-mêmes, et éventuellement des tiers externes à l’organisation (partenaires, fournisseurs, clients, administrations).

Chacune de ces parties prenantes a, selon la nature du projet, un rôle ou des responsabilités à exercer, un droit de regard sur les orientations prises, voire un pouvoir de décision. Cette étape de clarification est indispensable à la réussite d’un projet. Au-delà des éventuels risques juridiques, c’est avant tout une question d’adhésion et un facteur clef de réussite de la transformation.

Là encore, rien de tel qu’un schéma pour expliciter les rôles et responsabilités de chacun, ou encore mieux, un outil incontournable comme la matrice RACI, dont l’acronyme désigne :

  • R – Responsible (Réalisateur ou Acteur)
  • A – Accountable (Approbateur)
  • C – Consulted (Consulté)
  • I – Informed (Informé)

Cette cartographie se fait a minima sur le projet dans sa globalité lors de la phase amont, mais surtout détaillé au niveau de chaque activité et étape pour assurer la bonne conduite du projet. En découlera notamment la question suivante.

3ème question : quel niveau de participation au projet pour qui ?

A moins que l’organisation globale de l’entreprise (et son modèle économique) ait prévu des ressources et un temps structurels à la conduite de projets, ceux-ci viennent généralement en plus de l’activité courante (la différence entre run et build).

La question du niveau de participation au projet est donc la résultante des deux premières questions : le calibrage QCD et la prise en compte des parties prenantes. Plus vous vous autorisez à investir dans le projet, plus vous pouvez prendre en compte les intérêts des parties prenantes et plus vous pouvez associer de personnes à la conduite du projet. Et inversement. Reste alors à distinguer :

  • les membres permanents (plus ou moins à plein temps) de l’équipe projet
  • les contributeurs occasionnels (fonction soit de leurs compétences et expertises, soit de leur niveau d’implication dans les résultantes de la transformation)
  • les influenceurs dont la prise en compte de l’avis aura plus ou de conséquence sur la réussite du projet
  • les décideurs et/ou commanditaires, en charge notamment des arbitrages

C’est également à cette étape que doit être déterminé le niveau de co-construction, le recours à des démarches collaboratives ou d’intelligence collective, aux différentes phases du projet. Là encore il s’agit d’un point d’équilibre QCD qu’il s’agit d’apprécier au regard des enjeux d’adhésion et de transformation de pratiques et culturelle.

4ème question : quand et quoi communiquer pour quelle conduite du changement ?

Si certains projets peuvent nécessiter une forte confidentialité jusqu’à un stade relativement avancé, dans la plus part des organisations un secret n’en est plus un dès qu’il est partagé par plus de deux personnes. Se pose donc la question de la nécessité de la confidentialité, généralement soit pour des questions stratégiques (vis-à-vis de la concurrence) ou juridiques (vis-à-vis des prérogatives des représentants du personnel). Car il peut en fait y avoir un réel intérêt à communiquer largement en amont et tout au long de la conduite d’un projet. En amont, c’est-à-dire dès la phase de cadrage, pour tester les réactions au projet, valider l’opportunité de le lancer, identifier les promoteurs et détracteurs a priori, capitaliser sur les forces faisant consensus et élaborer un argumentaire sur les limites. Tout au long du projet pour donner de la visibilité sur son avancement, partager le franchissement de points d’étapes, et impérativement informer des éventuels glissement de planning ou évolutions de périmètre en expliquant autant que possible pourquoi.

La stratégie de communication du projet est un élément clef de sa réussite parce qu’elle s’inscrit dans l’accompagnement globale de la transformation menée. Si elle n’est pas posée lors de la phase amont du projet, elle risque bien souvent d’être subie et traitée en urgence (et donc en sous-qualité) dans la conduite même du projet.

5ème question : lotissement et pilote, quels intérêt et faisabilité ?

Là encore le triptyque QCD joue un rôle incontournable dans l’évaluation de l’opportunité d’un lotissement du projet et de la réalisation d’un pilote.

Le lotissement réponde à une double dimension de contraintes et d’opportunités : le projet peut-il se découper en sous projets ? y a-t-il un intérêt à « livrer » des lots intermédiaires en mode quick win pour donner à voir rapidement des bénéfices concrets et entretenir l’adhésion d’attente à la transformation globale ? y a-t-il un risque à « livrer » des lots intermédiaires ne répondant pas aux attentes globales et pouvant générer de la frustration, des insatisfactions ou carrément remettre en cause le projet dans sa finalité ?

Quant au pilote, tout dépend de la nature du projet et de sa capacité à se reconfigurer au regard de premiers enseignements d’un déploiement partiel sur un périmètre restreint. Engager un pilote n’a de sens que si les règles du jeu sont claires sur son objectif : s’agit-il uniquement de valider ou amender les modalités de déploiement et d’accompagnement, ou peut-il porter sur le fond de la transformation, voire carrément conduire au report ou à l’abandon du projet ? Si l’objectif n’est pas clair pour les parties prenantes au pilote, il y a un risque de désalignement et de perte d’adhésion au projet de ceux qui auraient pu en être des ambassadeurs par l’exemple.

La conduite du projet en tant que tel

Une fois ces 5 questions traitées, il reste évidemment à définir les compétences et expertises requises à la réalisation du projet, et à identifier en conséquence leur disponibilité, qu’elles soient internes ou externes, e leur coût.

Et à mener le projet … comme un projet ! Les fondamentaux de la conduite de projet sont alors assez classiques : identification et collecte des données d’entrée, définition des jalons et livrables, détermination du chemin critique, identification des dépendances, recours aux outils pertinents (diagramme de Gantt, méthode WBS, tableau Kanban, PMBOK, …), gestion des aléas (indisponibilité des ressources, dysfonctionnements, non qualité, …), évaluation des risques et élaboration du plan de prévention associé, analyse d’impacts du projet sur les autres domaines RH.

La conduite de projets RH est donc une activité en tant que telle, distincte du cœur de métier RH et requiert en conséquences des compétences spécifiques, d’organisation, de modélisation, d’estimation de charge, de planification, de coordination, d’animation, de communication, de pilotage budgétaire, de résolution de problème, de gestion des priorités et du stress. Et a minima des connaissances de base en systèmes d’information, culture de la data, achat de prestations de services, ou encore de pilotage de prestataires.

Articuler compétences métier, compétences projet et compétences transverses ne va donc pas de soi et appelle des choix, là encore à faire à l’éclairage QCD : faut-il privilégier les compétences métier RH ou gestion de projet pour le chef de projet ? un chef de projet RH externe à l’entreprise peut-il être plus efficace qu’un chef de projet interne n’ayant pas toutes les compétences attendues ? Matérialiser les différents niveaux de complexité des compétences à mobiliser pour son projet peut permettre de jouer sur les complémentarités des ressources internes et externes, nécessaires et suffisantes.

La phase aval du projet en trois préoccupations

Il est tentant de considérer qu’un projet est terminé à la fin de son déploiement pour pouvoir rapidement passer à autre chose et retourner aux affaires courantes.

Il reste en fait quatre actions à mener pour clôturer un projet :

  • évaluer le niveau de couverture du déploiement au regard des populations visées initialement
  • évaluer le niveau d’appropriation et de transformation des pratiques
  • capitaliser les pratiques et expériences de la conduite du projet
  • définir les modalités de maintien en conditions opérationnelles (MCO) de la transformation menée, c’est-à-dire passer du Build au Run, en intégrant les modalités d’amélioration continue, d’audit et de monitoring et la fréquence de revisite, d’évaluation de performance pouvant conduire à la décision de lancer … un nouveau projet !

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