Comment engager une démarche de QVCT pertinente ? Par quoi commencer, dans quel ordre prendre les sujets et comment interagissent-ils entre eux ? Proposition d’approche de la complexité du sujet.
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Enjeux et finalités de la QVCT
Initialement la QVT (Qualité de Vie au Travail) dans l’accord National Interprofessionnel de 2013, c’est avec celui de 2020 que les Conditions de travail ont fait leur apparition pour une définition de la QVCT comme « un facteur de santé et de réalisation personnelle pour les salariés » et sur le plan collectif, « une des conditions de la performance de l’entreprise. »
Cet ajout n’est pas négligeable et fait sans doute suite à une dérive de la QVT visant à s’intéresser prioritairement à l’environnement de travail, c’est-à-dire au cadre dans lequel s’exerce le travail sans forcément en interroger les conditions de sa réalisation.
Pourtant aux origines, la QVT se voulait bien systémique. On y trouvait tout ce qui fait politique de gestion des ressources humaines : le contenu et l’organisation du travail, le dialogue social, la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, les relations de travail, l’égalité professionnelle, le développement personnel, l’environnement physique, l’information partagée et l’engagement de tous. Et fort heureusement, on retrouve régulièrement dans les accords d’entreprise relatifs à la QVT (puis QVCT) une ambition comparable, celle d’épouser le sujet dans sa globalité, de lui reconnaître une multiplicité de contributions, tant collectives qu’individuelles.
Pour autant, la tentation a été grande de faire quelques impasses, de tenir à l’écart le questionnement du travail, de son contenu et de son organisation, plus encore de son vécu. Bien évidemment, la prévention des risques professionnels, et particulièrement les risques psychosociaux, est devenue incontournable, et se voit déclinée en plans de conduite du changement, d’organisation de temps d’expression des salariés, de sensibilisation du management. Mais encore trop souvent elle est abordée dans une approche de traitement des conséquences plutôt qu’une réflexion sur les causes. A grand renfort d’enquêtes, on mesure l’engagement et l’implication, la satisfaction des salariés, leur adhésion au projet d’entreprise, pour en déduire un niveau de qualité ou de bien-être au travail.
Le risque du glissement progressif vers les à-côtés du travail
Il n’est plus rare aujourd’hui de voir associées à la qualité de vie au travail toutes sortes d’initiatives qui ne peuvent que susciter la sympathie et appeler une adhésion naturelle. Salles de sport, salles de sieste, séances de massages, babyfoot à côté de la machine à café, corbeilles de fruits, piqueniques et barbecues collectifs organisés par la direction, les idées n’ont pour limites que l’imagination et les moyens mis à disposition.
Il est évidement indispensable de se préoccuper, aussi, de l’importance de l’ambiance de travail, de la qualité des relations entre collègues et des espaces de travail. De même que la mise à disposition des salariés de solutions digitales de bien-être peut présenter un intérêt complémentaire et s’inscrire dans une approche globale de qualité de vie au travail. Dans la limite d’une forme de transfert de responsabilité individuelle de chaque salarié à prendre soin de lui au regard des exigences du travail auxquelles il est confronté, et sans que celles-ci soit fondamentalement questionnées.
Mais ces initiatives plus ou moins festives ont en commun de se placer à côté du travail, de s’extraire des questions fondamentales relatives au contenu et à l’organisation du travail, comme si le bien-être au travail consistait à ne pas y être justement, à s’en distraire, à le contourner pour s’en extraire. Or les premières préoccupations des salariés sont par ordre décroissant la survie de leur emploi, le paiement du loyer, la protection de leur intégrité physique et mentale ou encore le maintien de leur employabilité.
Renommer la QVCT pour en recentrer ses priorités
Mais l’entreprise n’est pas le pays des bisounours, elle est un lieu de confrontations, de désaccords, d’oppositions d’intérêts individuels et collectifs, de choix plus ou moins partagés sur ce que doit être le quotidien du travail. De ces mécanismes-là dépend avant tout la qualité de vie au travail. A tel point qu’elle mériterait d’être renommée en qualité de vie DU travail. Car c’est le travail réel, tel qu’il est vécu, bien plus que le travail prescrit, qui fait qualité pour les individus. C’est la capacité qu’ils ont à répondre aux sollicitations des clients, de la hiérarchie, des collègues, en mobilisant les compétences et savoir-faire qui sont les leurs, en utilisant les outils mis à leur disposition, en appliquant les consignes qui leurs sont données, et leur appréciation des écarts à ce qu’ils considèrent un travail bien fait.
S’il ne faut pas minimiser la recherche de réduction des irritants, notamment administratifs et procéduraux dans le fonctionnement interne et la gestion des ressources humaines (et tout ce qui peut contribuer à simplifier la vie pratique des salariés est le bienvenu), s’il est louable de tendre au bien-être des à côté du travail, il ne faut pas confondre causes et conséquences. Revenir aux causes origines, au contenu et à l’organisation du travail, comprendre et chercher à réduire la distorsion entre travail prescrit et travail réel, constitue bien la priorité d’une politique de qualité de vie du travail.
Évidemment, s’attaquer aux questions d’autonomie, d’intérêt au travail, de responsabilités, de délégation, d’empowerment, d’employabilité, demande plus de temps, d’énergie et de capacité de remise en cause que l’organisation d’une crêpes party, la connexion à une application de méditation ou de défis sportifs.
S’y ajoutent les comportements individuels et collectifs, tout autant ceux vertueux d’attention, de solidarité, de bienveillance, que ceux toxiques qu’il faut savoir prévenir et sanctionner sans ambiguïté.
Qu’il s’agisse d’une vision philanthropique de la responsabilité sociale de l’entreprise ou utilitariste d’une maximisation de l’engagement, de la productivité, de la performance et de la rentabilité des salariés, s’attaquer à la qualité de vie DU travail ne peut que faire se rejoindre les intérêts croisés des salariés et de l’entreprise.
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