En partant de l’hypothèse qu’il y a bien eu déconnexion, la re-connexion au travail se fait-elle par simple plug and play ? Rien n’est moins sûr.
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Petit rappel sur la déconnexion
Déconnecter du travail ne va pas de soi. Indépendamment des solutions technologiques qui peuvent nous permettre de garder un lien continu à tout ou partie de l’activité professionnelle, la place du travail dans la vie en fait un marqueur fort d’identité sociale. Qu’il s’agisse d’un simple moyen de subsistance, d’un lieu d’appartenance ou d’un moyen de réalisation de soi, le travail occupe une partie significative de notre temps d’éveil conscient.
Dans tous les cas, il est difficile d’imaginer que passé l’horaire officiel du temps de travail, le cerveau se déconnecte totalement, dans une forme d’amnésie temporaire activable par un interrupteur virtuel. Seule sa mobilisation sur d’autres activités, extraprofessionnelles, nécessitant tout ou partie de ses ressources cognitives peut permettre une déconnexion effective mais pour autant exposée à des reconnexions aléatoires. Comme si le cerveau était branché au travail sur courant alternatif. Un instant vous êtes concentré sur le découpage des légumes qui feront votre ratatouille du midi, l’instant d’après et vos gestes deviennent mécaniques, faisant ressurgir à votre mémoire par effet de vagabondage de l’esprit votre dernière discussion (plus ou moins satisfaisante) avec votre manager ou le dossier que vous avez laissé en cours la veille au soir.
Bref, la déconnexion est affaire non seulement de détournement de l’attention au travail, mais plus encore de sollicitation de cette même attention à autre chose. Déconnecter dépend donc à la fois de l’intensité de la charge mentale que l’on laisse derrière soi à la fin de sa journée et, par effet de vases communicants, de l’intensité proportionnelle de mobilisation de ses énergies à se consacrer à autre chose.
Qu’elle soit entre deux journées de travail, le temps d’un week-end ou à l’occasion de vacances, la déconnexion est donc, en partie, un choix. Au croisement de l’attention portée à ses proches dans l’ici et maintenant, de l’acceptation que le travail peut toujours attendre (à moins d’être en charge de sauver des vies) et de la prise de conscience d’une nécessité de régénération de ses propres ressources.
La reconnexion, quasi miroir de la déconnexion
Pour qu’il y ait reconnexion, il faut donc qu’il y ait eu déconnexion, réelle et totale, loin des pratiques fashion de tracances ou de workation.
L’approche est donc en miroir, consistant en une remobilisation et un recentrage progressif de ses ressources cognitives sur le travail. Et la nuance est bien là, la reconnexion est progressive. Car au cœur de la réalisation du travail se jouent des questions d’appartenance et de reconnaissance au sein d’un collectif de travail. Car travailler ensemble ce n’est pas que travailler, c’est aussi connaître et reconnaitre l’autre pour qui il est et pour ce qu’il est. La connexion au travail passe donc par une connexion à l’autre. Prendre des nouvelles, se demander comment ça va, se raconter sa soirée, son week-end, ses vacances, que ce soit pour éprouver l’altérité ou pour trouver matière à partage et se reconnaître dans son semblable. Ces rituels vont au-delà des simples conventions et constituent un apport fondamental à la construction du lien qui permet de s’inscrire dans une forme de destin commun au travail.
La reconnexion est d’abord émotionnelle, se nourrit du partage et de l’échange, comme un liant qui rappelle certaines des raisons fondamentales à se lever le matin pour aller travailler.
Ce temps-là est précieux et fondamental et constitue un prérequis à la reconnexion au travail à proprement parler. Car cette reconnexion doit bien finir par arriver. Mais là encore il peut y avoir progressivité, dans l’intensité et dans la complexité notamment. Quand le contenu du travail le permet, autant privilégier des activités ou tâches de reprise à faible charge cognitive : des opérations simples, routinières voire répétitives, en quelque sorte pour se « remettre dans le bain ». Ce n’est rien d’autre d’ailleurs que ce que fait un sportif au retour à l’entraînement après la trêve. Réchauffer les muscles, retrouver des sensations, répéter des gestes, bref, réacclimater le corps au travail.
Mais il faut aussi se reconnecter à son contexte et son environnement. La terre ne s’est pas tout à fait arrêtée de tourner, le travail non plus. Vient alors le temps d’une mise à jour logicielle sur ce qui s’est passé en son absence, à l’échelle de son poste, de l’activité de ses collègues immédiats, à l’échelle de l’équipe, le cas échéant de ses projets, de l’entreprise, voire au-delà.
On parle rarement de reconnexion au travail, mais systématiquement de reprise ou de retour, avec cette idée de venir à nouveau là où on a déjà été, il y a plus ou moins longtemps, et de retrouver quelque chose d’à la fois familier et un peu différent.
De cette remise en contexte peut alors découler la remise en mouvement. Souvent dans la même direction, c’est l’occasion de repartager les objectifs et priorités de la séquence qui s’ouvre, de les actualiser ou des les réajuster. C’est donc aussi de la responsabilité du manager de veiller à la reconnexion au travail, tant individuelle que collective.
La (dé)connexion au travail est un courant alternatif
Il est évident que le travail se heurte à une alternance plus ou moins régulière de connexions et de déconnexions, dans une forme d’éternel recommencement, à la fois tout à fait pareil et à chaque fois singulièrement différent.
De même que la déconnexion, la reconnexion relève donc d’une approche organisationnelle, collective et systémique, dans une démarche durable de QVCT, gage d’une performance durable.
A fortiori quand la déconnexion est de longue durée et/ou subie. Congé maternité, parental, sabbatique, accident, maladie, les causes de déconnexion longue sont nombreuses et variées et, fort heureusement, ont conduit à une prise de conscience de la nécessité d’un réaccueil et d’une reconnexion au travail progressive. La preuve d’une double évidence : l’humain est un animal social, son écologie propre appelle une attention particulière à la consommation et à la préservation de ses ressources au travail.
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