Si l’on pense spontanément aux nouveautés en matière de droit du travail, mettre en place une veille RH s’inscrit plus largement dans un suivi des évolutions des pratiques, des outils et méthodes et des stratégies de management des ressources humaines.
Le champ est vaste et mérite d’être clarifié autour de trois questions : pourquoi faire de la veille RH ? Sur la base de quelles sources la construire ? Comment l’exploiter ?
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Une veille, des veilles : pour quels objectifs ?
Il n’y a pas une veille, mais bien des veilles RH, poursuivant des objectifs distincts. On peut en définir trois :
Un objectif de maîtrise des risques
qui vise à identifier l’ensemble des évolutions en matière d’obligations sociales, assorties des sanctions encourues en cas de manquement. Cette veille suit naturellement le cycle de production du cadre règlementaire avec, à chaque étape un sous-objectif spécifique :
Étape 1 – les projets d’adaptation ou de nouvelle réglementation :
l’enjeu est ici de faire une première analyse d’impact, très en amont de la mise en œuvre effective du projet ; il s’agit d’une veille de tendance sur laquelle investissent beaucoup les cabinets d’avocats et publications juridiques, pour laquelle la part de fluctuation inciterait à ne pas trop investir de temps ; il peut néanmoins être intéressant d’anticiper certaines dispositions probables pour lisser l’effort de mise en conformité (par exemple la transposition à venir de la directive européenne sur la transparence en matière de rémunération)
Étape 2 – l’entrée en vigueur (relative) de nouvelles réglementation :
l’analyse d’impact est ici beaucoup plus concrète, même s’il faut distinguer les mesures applicables immédiatement de celles à applicabilité différée, toutes pouvant être subordonnées à la publication complémentaire de textes d’application : il est alors urgent de ne pas se précipiter tant que l’interprétation n’est pas stabilisée, tout en évaluant la probabilité des moyens de contrôle qui seront mis en œuvre et le risque réel de non-conformité au regard du couple coût d’application / coût de sanction
Étape 3 – l’exhaustivité du corpus réglementaire :
entre décrets d’application, questions-réponses et circulaires, il est désormais possible de s’appuyer sur l’ensemble des éléments nécessaires à la mise en œuvre ; cette étape peut être longue et s’étaler sur plusieurs mois, certaines lois ne voyant même jamais la publication de l’ensemble des décrets d’application qu’elles annonçaient ; c’est une étape de veille plutôt fastidieuse qui suppose un suivi méthodique et régulier de l’articulation des textes
Étape 4 – les interprétations :
malgré les publications officielles mentionnées précédemment, il est possible qu’il reste matière à interprétation, notamment sur des questions de date d’effet, de périmètre d’application, de règles de calcul et plus encore de conséquences en matière de contrôle, de sanction et de contentieux ; c’est l’étape primordiale d’une veille juridique étendue non seulement aux avis d’experts (avocats, juristes) mais aussi aux avis de praticiens dont la lecture d’opérationnalité présente une valeur ajoutée majeure
Étape 5 – la stabilisation :
la veille par excellence du temps long qui se situe principalement dans le champ de la jurisprudence et qui, de la Cour de Cassation aux juridictions européennes, peut courir sur des années ; c’est une veille à double risque : d’une part celui de perdre le fil des clarifications et éventuels revirements qui quelques fois transforment les intentions initiales, d’autre part celui de rester dans une lecture non actualisée et de ne pas intégrer les nouveaux risques liés à une nouvelle interprétation de l’esprit du législateur
Un objectif de pertinence
qui porte sur les fondamentaux du management des ressources humaines et sur les bonnes pratiques associées. De prime abord cette veille peut paraître moins concrète et plus diluée, d’autant qu’elle est extrêmement vaste et polymorphe. Elle porte à la fois sur les politiques, les processus, les outils, les méthodes, se nourrissant d’initiatives, d’expérimentations, de retours d’expériences, de recherche, de témoignages, de benchmarks, d’offres commerciales, … Autant d’axes déclinables sur l’ensemble des expertises RH :
- Recrutement : canaux et pratiques de sourcing, techniques d’évaluation des candidats, cycle de l’expérience candidat, stratégies d’onboarding
- Rémunération : composantes des politiques de rémunération, stratégies individuelles et collectives, traitement des problématiques de pouvoir d’achat, gestion de la transparence, process de pilotage et de campagnes salariales
- Formation : stratégies multimodales de formation, ingénierie de financement et d’achats, digitalisation, évaluation
- Développement RH : démarches compétences, gestion des parcours et des carrières, stratégies d’engagement et de fidélisation, politiques de reconnaissance
- Relations sociales : animation du dialogue sociale, pratiques de la concertation et de la négociation, monitoring du climat social
- Management : émergence et reconfiguration des modèles de management, compétences et comportements managériaux, stratégies de soutien et d’accompagnement
- Santé et sécurité au travail : mise en œuvre de la QVCT, prise en compte de la santé mentale, prévention accrue des RPS
- Performance RH : modèles d’organisations RH, matérialité des attentes des parties prenantes de la fonction, notoriété, image et attractivité de cette même fonction, représentation des compétences attendues au travers des offres de formation initiale et continue
- SIRH : structuration du marché, émergence, stabilisation et disparition des offres et des acteurs, diversité des offres par blocs fonctionnels, cas d’usages, intégration à l’expérience collaborateur
- RSE : prise en compte du volet social/sociétal, politiques et pratiques de diversité et d’inclusion, modèles de compliance et de performance extra financière, labels, normes et certifications
La veille de pertinence est à peu près irréalisable si elle n’est pas canalisée. Elle gagne à être articulée au niveau de maturité de ses pratiques RH par grandes expertises, couplé avec une déclinaison des orientations stratégiques business en politique RH. La veille peut alors se structurer par cycles thématiques.
Un objectif d’efficience
tourné vers l’état de l’art. L’approche est assez comparable à celle de l’objectif de pertinence mais vise un cran supérieur, celui de l’excellence et de la différenciation. L’enjeu est a minima d’être aligné sur les meilleures pratiques RH de son marché « employeur » et de ses concurrents, mais plus encore d’aller chercher des pratiques de premier rang dans d’autres secteurs qui puissent se transposer par acculturation et constituer un élément différenciant d’attractivité et de fidélisation des ressources humaines. Cette veille là peut se faire de façon structurée comme la précédente mais peut également s’envisager par ouverture tous azimuts.
Être au clair sur le ou les objectifs de sa veille RH est donc un prérequis à sa mise en œuvre.
Faire de la diversité des sources une richesse de points de vue
Quels que soient les objectifs poursuivis, la principale difficulté de la veille consiste à construire son référentiel de sources. On peut distinguer 8 types de sources :
La diversité de ces sources présente l’intérêt de la pluralité des points de vue ou au contraire de la convergence, permettant de dégager des tendances de fond ou des lignes de divergence. Chacun de ces acteurs publie du contenu avec une intention spécifique, répondant à ses motivations à agir : information par mission, influence, lobbying, notoriété, image de marque, prospection commerciale, … l’important est donc d’identifier l’intention à partager du contenu, pour prendre la bonne distance d’interprétation et exercer un esprit critique face aux éventuelles assertions proposées.
Il est donc primordial de construire son référentiel de sources en diversifiant les typologies d’acteurs de façon globale, mais également par expertises RH
Restent alors deux questions complémentaires : quels formats ? quels canaux ?
Concernant les formats, qu’il s’agisse de l’écrit, de l’image, de l’audio, ou de la vidéo, leur choix renvoie d’abord à la stratégie de communication de l’émetteur qui vise à atteindre quantitativement et qualitativement sa cible. Le choix en tant que bénéficiaire portera lui sur deux critères : d’une part la préférence d’usage, d’autre part l’objectif et la possibilité de réemployabilité.
Le spectre est large : du traditionnel évènement présentiel (en partie déserté depuis la crise sanitaire) à l’évènement en ligne (en direct ou en replay), du podcast à la vidéo plus ou moins scénarisé, du Mooc au rapid learning, jusqu’aux ressources écrites plus ou moins étoffées (articles, dossiers, études, livres blancs, enquête, sondages, baromètres, …)
Concernant la diversité des canaux, là encore les possibilités sont multiples et s’articulent autour de quatre types de contenus :
- Les contenus strictement payants pour ce qu’ils sont
- Les contenus additionnels à une prestation de service préexistante
- Les contenus freemium qui constituent des produits d’appel et sont généralement assortis d’une collecte de données de contact
- Les contenus gratuits en accès totalement libre
Mais quand les objectifs de veille ont été posés et que le référentiel est construit (tenant compte de la diversité des sources, des formats et des canaux), rien n’est fait ou presque, puisque se pose désormais la question de l’exploitation.
Les 5 piliers de l’exploitation de la veille
Que faire d’une information issue de sa veille ? Le caractère exponentiel d’une veille dans la durée couplé à l’effet FOMO (Fear Of Missing Out) peut rendre vertigineuse la question de l’exploitation. D’où l’importance d’une méthode de traitement selon la qualité de l’information. Par qualité on peut entendre 6 dimensions :
L’analyse et donc l’évaluation de la qualité d’une information permet alors de décider ce que l’on en fait. Cinq options possibles :
La veille RH est donc une activité en soi, potentiellement chronophage mais qui est pourtant incontournable tant l’exercice du métier gagne à se nourrir des évolutions de pratiques de ses pairs. La diversité des acteurs et des intentions dans la production de contenus est un gage de pluralité des points de vue et donc un appel à la réflexion et au recours à la pensée critique.
Dans ce contexte, l’émergence des IA génératives constitue inévitablement de réelles perspectives de facilitation et d’optimisation des pratiques de veille. Les IA d’aujourd’hui n’étant pas celles de demain, leur pertinence ne devrait être que grandissante. Au même titre que n’importe quelle autre source, il est possible d’appliquer à la production de contenus d’une IA la grille d’évaluation de qualité : fiabilité, récence, exhaustivité, durabilité, intention, utilisabilité. Un screening qui laisse encore certaines questions sans réponses et renvoie nécessairement à la première : faire de la veille pour quoi faire ?
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